Histoire d’un village qui grandit à travers les siècles
À la lisière de la grande forêt, près du confluent de la Moder et de la Zinsel, vécurent des hommes sachant travailler les métaux, le cuivre, le bronze, et ensuite le fer. C’est probablement d'eux que nous viennent les noms de ces deux rivières.
Les temps anciens
Pendant près de deux mille ans, ils enterrent leurs morts dans des nécropoles dont une située non loin de l’actuelle gare de chemin de fer, et l’autre derrière le village entre les routes conduisant à Neubourg et Ohlungen au lieu-dit Schelmenwassen. Lorsque l’on découvrit ces sépultures vers 1930 et en 1954, on y trouva de fort belles poteries décorées, qui se trouvent maintenant dans les musées de Strasbourg et de Haguenau. La sépulture d’un guerrier gaulois, mort une centaine d’années avant notre ère, renfermait non seulement l’épée et son fourreau, deux lances, un poignard, des fragments de bouclier, un brassard d’archer, mais encore le rasoir et les ciseaux pour la barbe et les cheveux.
Après la victoire de Jules César sur Arioviste (58 avant Jésus Christ), l’Alsace, avec la Gaule tout entière, fut rattachée à l‘Empire romain. Des prescriptions de cette époque nous font connaître les noms des trois Romains qui succèdent aux Gaulois à Schweighouse : Lucius, Secundinius Amilius et Nigrinus. De Lucius nous savons même plus : il vécut vers l’an 200 de notre ère ; il est citoyen romain et, après avoir combattu dans les rangs de la vingt-quatrième cohorte de l’armée impériale, il se fixe à Schweighouse, se construit une grande et belle villa près de l’emplacement de l’actuel temple protestant et y ajoute un petit sanctuaire dédié aux divinités romaines Jupiter et Junon. Un autre sanctuaire est voué à Mercure, dieu des commerçants et des voleurs. De plus, on trouve des restes d’une tuilerie. D’autres découvertes dans les lieux-dits Geisselbronn, Mühlwäldel et Heitzelfeld attestent l’importance de l’agglomération ; plusieurs routes y convergent d’ailleurs.
Mais les Romains doivent à leur tour céder la place aux Germains, Alamans et Francs, qui envahissent et occupent l’Alsace au Ve siècle après Jésus-Christ. C’est avec ces invasions germaniques que commence le Moyen Age.
Le Moyen Age
Il est probable que les rois francs déjà s’adjugent les biens que possèdent les Romains, en particulier l’ancienne villa de Lucius et la forêt voisine. C’est à cette époque que le village prend le nom de Schweighausen. « Schweige » veut dire à la fois étable, troupeau de bêtes à cornes et de brebis, et pâturage. Or, seul le roi ou le seigneur du lieu peut posséder un tel troupeau, le simple paysan n’a droit qu’à des troupeaux de porcs. Schweighouse signifie donc « habitations près des bergeries et marcairies seigneuriales ».
Ainsi le nom nous certifie qu’à l’époque franque les dépendances de l’ancienne villa romaine abritent des troupeaux, même si les documents écrits ne mentionnent la « Schäfferei » et la « Molkerei » seigneuriales qu’entre 1486 et 1771. De plus, un document émis en 896 à Schweighouse, appelé alors Suetchusen par le roi Zwentibold, un descendant de Charlemagne, nous prouve que la villa romaine est devenue propriété royale, et qu’au moins l’un des rois y séjourne quelque temps.
Dès cette époque aussi, sans que l’on puisse préciser l’année, le roi démolit les temples païens et se sert des pierres pour construire une église chrétienne.
Des sépultures romaines sont retrouvées dans les murs de la vieille église lors de sa démolition en 1899 et sont exposées au musée de Haguenau. Le sanctuaire chrétien est d’abord dédié aux princes des apôtres, Pierre et Paul, que St Jacques remplace à partir du XVe siècle. La première église est certainement une construction très simple qui est remplacée vers le XIIe siècle par une construction romane dont la tour subsiste jusqu’en 1899. À l’origine, les limites de la paroisse englobent toute la forêt de Haguenau.
L’Empire germanique
Avec le rattachement de l’Alsace à l’Empire germanique, les empereurs sont propriétaires de Schweighouse et de la forêt. En 968 l’empereur OTTON Ier donne l’ancienne villa royale en même temps que le village et l’église à son épouse Sainte Adélaïde. Mais quand cette dernière fonde l’abbaye de Seltz (987 - 991), le village redevient propriété impériale, et sous OTTON III, petit-fils d’Adélaïde, seuls l’église, ses propriétés et tous les droits paroissiaux qui y sont rattachés passent au monastère de Seltz.
Désormais, et jusqu’en 1664, l’abbaye de Seltz présente à l’évêque de Strasbourg les candidats à la cure et touche la dîme. Cependant le territoire de la paroisse – et de la commune - est amputé d’une portion importante en 1143 lorsque, sous l’empereur CONRAD III, l’église St Georges de Haguenau, alors en construction, est érigée en paroisse indépendante et détachée de celle de Schweighouse en même temps que toute la forêt.
Entre-temps, la ville royale de Schweighouse, qui sert depuis le Xe siècle de siège temporaire aux comtes du Nordgau, est détruite par Ernest, comte de Souabe, en révolte contre l’empereur CONRAD II (1027). Pour la remplacer le comte Hugues IV d’Eguisheim, père du pape Léon IX, construit vers 1035, sur une île de la Moder, un château autour duquel se forme la ville de Haguenau.
Schweighouse perd donc son importance au profit de Haguenau, et dès 1065 l’empereur Henri IV donne les villages de Schweighouse et de Hochfelden (qui est également une ville royale), à un certain comte Eberhard, en qui les historiens voient tantôt un comte de Nellenburg, tantôt un comte de Sponheim. Il semble plutôt qu’il s’agisse du comte de Sponheim, car la charte de donation est conservée dans les archives de cette famille.
On ne sait pas pendant combien de temps le village reste entre les mains de ces derniers car aucun document ne nous renseigne sur Schweighouse entre le XIe et le XIVe siècles.
Le XVe siècle
Au XVe siècle la localité, redevenue impériale, est détenue en fief par les LICHTENBERG.
Lors du partage de la seigneurie de Lichtenberg, en 1440, entre les frères Jacques et Louis, le village échoit à ce dernier. Enfin, après la mort de Jacques en 1480, avec qui s’éteint cette puissante famille, Schweighouse revient au comte de Deux-Ponts Bitche, gendre de Louis. À la suite d’une longue discorde opposant les héritiers de Lichtenberg, le village est adjugé en 1541 comme alleu à l’une des filles de Simon WECKER II de Deux-Ponts Bitche, et celle-ci, lors de son mariage en 1551, l’apporte en dot à Philippe de Linange-Westerbourg.
Comme le nouveau seigneur de Schweighouse, le comte de Linange-Westerbourg, est protestant, dès 1555 tout le village passe à la Réforme en même temps que le bailliage d’Oberbronn.
Dix ans plus tard, sur les ordres du comte de Linange-Westenbourg, paraît à Worms pour les protestants de toute la seigneurie un règlement ecclésiastique qui prescrit entre autres la fréquentation régulière du culte le dimanche et du sermon le vendredi, et qui institue dans chaque paroisse des censeurs chargés de veiller à l’exacte observation des différents points du règlement.
Comme la ville de Haguenau, après quelques hésitations, s’est finalement prononcée pour le catholicisme, c'est à Schweighouse que se réfugient en 1624 un certain nombre de familles protestantes haguenoviennes. Il est évident qu’à cette époque de luttes confessionnelles, les rapports entre la communauté villageoise protestante de Schweighouse et sa puissante voisine catholique, la Ville Libre de Haguenau, ne sont pas toujours cordiaux.
La guerre de Trente Ans
Mais entre-temps la guerre de religion la plus cruelle et la plus meurtrière qui fût, a éclaté dans l’Empire allemand. Elle dure trente longues années (1618-1648) et réduit à l’extrême misère aussi bien les catholiques de Haguenau que les protestants de Schweighouse.
En 1664, les comtes de Linange-Westenbourg vendent le village pour 7000 florins d’or au prince de BIRKENFELD.
Comme tous les grands seigneurs, les Birckenfeld souffrent sans cesse du manque d’argent. C’est pourquoi Christian II engage d’abord la seigneurie de Schweighouse en juin 1693 pour 15000 florins à des juifs de Westhoffen, et la vend le mois suivant pour 18000 florins à Christophe Guntzer, syndic du roi de France, et à Jean Dietrich, marchand et banquier à Strasbourg. Le prix de vente montre bien qu’à la fin du XVIIe siècle le village s’est entièrement relevé de ses ruines.
En 1729, Frédéric KORNMANN, de Strasbourg, achète les 5/6ème de Schweighouse, le sixième restant va aux GLAUBITZ.
Plus tard, cette dernière partie est rachetée par Guillaume et Jean Pierre KORNMANN, banquiers à Strasbourg et à Paris, l’ensemble formant la seigneurie de Schweighouse jusqu’à la Révolution.
La Révolution
Sur la Révolution française à Schweighouse nous sommes assez peu renseignés. Les idées jacobines ne paraissent y trouver que peu d’échos. En 1790, la municipalité, avec le maire Engelbert KEHR en tête, fait des démarches en faveur du curé Michel Lorentz qui, refusant de prêter serment à la constitution civile du clergé, doit s’expatrier. De plus le pasteur Philippe AMSLER est traîné en 1793 devant le tribunal révolutionnaire à Strasbourg pour propos subversifs.
Il a pourtant, au début du moins, adhéré à l’idéal jacobin et accepté le poste de commissaire du pouvoir exécutif. C’est sans doute la perte de son fils, mort sur le champ de bataille devant Maubeuge en 1793, qui lui change les idées. Le village est gravement éprouvé en cette même année 1793 lors de la bataille qui oppose près de Berstheim, au mois de décembre, les armées révolutionnaires, dirigées par Hoche et Pichegru, aux émigrés français, commandés par le prince de Condé.
Un certain nombre de maisons sont incendiées, en particulier la mairie et le presbytère protestant. Ainsi furent détruits beaucoup de documents qui auraient pu nous fournir des données plus précises sur le passé du village de Schweighouse sur Moder.
La paroisse de Schweighouse date de la fin du Xe siècle. Le droit de patronage est exercé par l’abbaye de Seltz, puis à partir du XIVe Siècle par les comtes palatins. La Réforme fut introduite en 1555. La paroisse protestante regroupe également les protestants de Haguenau jusqu’en 1873. Le SIMULTANEUM, introduit en 1715, est dissout le 13 avril 1891 suite à la construction de l’église catholique en 1888.
Évolution démographique
En 1720, le village compte environ 200 habitants, 530 en 1766, 1011 en 1794, 1662 en 1826. Retombé à 1479 en 1861, le nombre d’habitants s’accroît très vite à partir de 1920 pour passer à 4595 avant la fin du XXe siècle.
Par décret du 5 septembre 1949, la commune de SCHWEIGHAUSEN prend le nom de SCHWEIGHOUSE sur MODER.
Source : Aus der Geschichte des Dorfes Schweighausen 1914, Pfarrer Matter.
André DEISS (Président de l’AGHSE)
ASSOCIATION DE GÉNÉALOGIE ET D’HISTOIRE DE SCHWEIGHOUSE-SUR-MODER ET ENVIRONS
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